Le sexe, c’est ce que l’on voit. Le genre, c’est ce que l’on ressent. Une estimation de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes indique qu’il y a environ 55.000 personnes transgenres dans notre pays. C’est le cas d’Ymany qui a accepté d’être interviewée afin de nous expliquer sa transition du sexe masculin vers le sexe féminin.
Comment vit-on avant la transition ?
J’ai très vite senti que quelque chose était différent en moi, déjà pendant mon enfance… mais je n’avais pas l’âge de me poser des questions. Au fur et à mesure que je grandissais, j’ai commencé à ressentir un certain mal-être… je ne me sentais pas MOI, en fait. Et puis je faisais des petites dépressions, régulièrement. À 17 ans, j’ai décidé de m’affirmer. J’aime les hommes et même si je suis née avec un sexe masculin, pour moi, je ne suis pas un homme. Quand je l’ai annoncé à mon entourage ça a été difficile. Un peu moins pour ma mère qui le savait déjà en fait.
À 18 ans, j’ai annoncé que je voulais faire ma transition. À 20 ans, les choses ont commencé à se mettre en place, j’avais déjà choisi mon prénom. Malgré le fait que ma mère ait été la première à le savoir et à le ressentir, il lui a fallu plus d’un an avant qu’elle m’appelle par mon nouveau prénom et qu’elle change de pronom en parlant de moi. Pour ma grand-mère c’est encore plus compliqué… Je lui ai expliqué que j’avais hâte de changer de sexe et elle m’a dit qu’elle, ce n’était pas son cas… qu’elle avait l’impression de parler à quelqu’un d’autre… Je suis toujours moi, j’agis toujours de la même manière. C’est juste que je suis enfin moi-même et que je peux m’affirmer.
Est-ce que le fait qu’on parle de plus en plus des LGBTQIA+ facilite les choses ?
Je suis mitigée sur cette question. C’est plus simple parce qu’on peut trouver plus de lieux où parler de transition et c’est plus facile pour certaines démarches aussi. Les gens ne sont plus obligés de se « cacher ». De l’autre côté, et c’est mon ressenti, le fait de parler tout le temps et partout (et je ne critique pas, au contraire) des LGBTQIA+, j’ai l’impression qu’on « force », d’une certaine manière, les gens à accepter. Du coup ça peut créer certaines tensions parce qu’il y a des gens qui ne connaissent pas et qui n’ont pas envie de connaître ou d’accepter, tout simplement. Moi je demande simplement qu’on me respecte en tant que personne et non pas parce que je suis transgenre.
Est-ce qu’il est difficile de se renseigner sur le sujet ?
C’est très compliqué d’obtenir des contacts et des infos. C’est trop nouveau. On ne sait pas aborder des gens transgenres pour leur poser des questions ; ça reste assez « mystique » finalement. Il existe maintenant quelques sites internet intéressants où l’on peut trouver pas mal d’infos mais le mieux est de s’adresser directement à des équipes d’accompagnement (psychologique, médical et administratif) des transidentité qui peuvent conseiller efficacement en fonction de la situation de chacun. Il en existe à Liège et à Gand.
[Parenthèse info : ces deux services s’appellent des “Gender Teams”. La première se trouve à l’UZ Gent. Ce « Centre de sexologie et de genre » se situe à l’adresse suivante : De Pintelaan, 185 à 9000 Gent (09/332.60.23). La seconde Gender Team se trouve au CHU Brull Liège, 45 quai Godefroid Kurth, 4020 Liège. Ce service se nomme « Centre d’accompagnement dans la transidentité » (04/366.79.60).]
Quelles sont les difficultés principales que tu as rencontrées ?
D’abord de se rendre compte qu’on n’est pas comme tout le monde et d’accepter cela. D’en parler, ce n’est pas évident. Et puis une fois que c’est fait, c’est quand même tout le temps compliqué : pour se renseigner, pour avoir les bonnes infos au bon moment.
Du point de vue médical, le traitement hormonal est très lourd à supporter au niveau des effets secondaires…. Ça fait changer tout mentalement, on devient beaucoup plus sensible, on devient un peu dépressif et quand on est quelqu’un de très fragile à la base, c’est vraiment dur. Les sentiments sont hyper intensifiés. Point de vue financier, cela coûte aussi extrêmement cher, même si une partie est prise en charge. Lorsqu’on commence un traitement hormonal, certains changements sont irréversibles et il faut donc être bien suivi par une équipe médicale et un psychologue, pour ne pas foncer dans ce processus.
Une autre difficulté, et pas la moindre, est lorsque ça se voit physiquement que tu es trans. Par exemple, tu es un homme de naissance, et quand tu commences ta transition tu souffres de calvitie, tu as de grosses épaules… Ou l’inverse : Un homme trans qui a encore une grosse poitrine, ou une voix plus fluette… C’est compliqué parce que les gens sont « moins tolérants », et pour trouver un job, même étudiant, c’est dur ! Pour ma part, je suis chanceuse… ça ne se voit pas que je suis trans, mais le fait que ce soit encore indiqué M sur ma carte d’identité alors que je me présente en tant que Femme, eh bien c’est compliqué.
C’est quoi la dysphorie de genre et la dysphorie génitale ?
La dysphorie de genre est le sentiment d’appartenance à un genre différent de celui qu’on nous assigne. On peut en souffrir toute notre vie. Dans mon cas, je me trouve toujours des traits masculins qui me dérangent. Ce sont ces détails qui rendent « malade » les personnes trans. Même plusieurs années après avoir débuté le traitement, après avoir été opérée, je peux souffrir de dysphorie. La dysphorie génitale c’est pareil, sauf que ça ne concerne que le sexe. En général, une fois opéré, ça disparait. Sauf si on repense au fait que ce n’est pas « fonctionnel » (je ne serai jamais enceinte) et peut-être pas esthétique… Alors évidemment c’est difficile psychologiquement.
Merci beaucoup pour ton témoignage Ymany !
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